Interrogatoire de A. Samuel Rosenwald

Aujourd'hui, Melvin n'allait pas y couper. Il était de corvée pour un nouvel interrogatoire. Samuel Rosenwald. Le frère du Skull retrouvé mort. Nul doute que l'interroger semblait nécessaire. Ce type était sans moindre doute, l'un des témoins clés de tout ce bordel. Du moins, Melvin en était convaincu. Ça faisait plusieurs heures qu'il planchait sur le dossier, dans le but de peaufiner son interrogatoire. Le but était simple. Lui tirer les vers du nez. Melvin était du genre froid, autoritaire. Il savait se montrer persuasif, quand il le fallait. D'autant que la situation l'exigeait. La population semblait terrorisée. Certains semblaient vouloir se rebeller, pensant la police débordée et incompétente. Il y avait bien la mairie pour essayer de canaliser tout ça, mais ça restait compliqué. Alors qu'il rassemblait ses derniers papiers, Melvin avait eu un appel dans son bureau. Rosenwald était prêt. Il attendait. Prenant son dossier en main, Cross se dirigeait vers la salle d'interrogatoire. Arrivé devant la porte, il l'avait poussée pour la refermer derrière lui. « Monsieur Ronsenwald ? Bonjour... Je suis le capitaine Cross. On m'a chargé de vous interroger pour aujourd'hui. » Il pose son dossier sur la table et fixe le jeune homme. « D'après le dossier, vous aviez pris contact avec votre frère. Que vous a-t-il dit, lors de votre dernière entrevue ? » Une première question. Histoire de prendre la température.

Dès les premiers mots échangés, le suspect avait déjà trouvé à redire sur l'accent du capitaine Cross. Ouais... Bon. Le jeune homme marquait un point. Melvin n'avait jamais étudié l'allemand, certes. Mais de là à le reprendre avec un tel ton, pour si peu... « Excusez-moi. » Des excuses sincères mais que Melvin avait bien envie de ravaler. La jeunesse et son air hautain... Le policier avait relaté les faits, via ce qu'il y avait eu de noté dans ledit dossier. Manque de bol, les informations semblaient incomplètes. Du moins, Cross semblait avoir mal formulé la déposition. Quoi qu'il en était, son frère lui avait annoncé sa venue ; dans le but d'assister à l'un de ses concerts. Suite à cela, il l'avait rejoint chez lui. D'après Rosenwald, ils avaient dîné seuls ce soir-là. Du reste, Samuel avait expliqué qu'ils avaient surtout parlé de leur famille. Qu'ils étaient six, rien que sur New York. En rajoutant que ça, lui devait déjà le savoir. Sous prétexte que sa sœur se trouvait dans la salle d'à côté. Notifiant d'une métaphore que les flics étaient déjà passés, quelques jours plus tôt. On pouvait lui accorder le bénéfice du doute. « Rien à propos du gang ? Personne n'était à ses trousses ? » Une question que Melvin était en droit de se poser. « P'têt que c'était une victime collatérale, dans l'histoire ? » De la psychologie inversée. « Il n'avait probablement rien à se reprocher, si ? » Il tentait. Histoire de.

Il voulait jouer au plus malin, hein ? Soit. Après tout, si c'était la seule façon de lui tirer les vers du nez, Melvin allait faire le nécessaire. En commençant avec une question toute conne. Certes. Mais il fallait bien commencer quelque part. Sans ça, Melvin allait patauger et ce n'était pas du tout le but. Rien à propos du gang, donc ? S'il avait été tué, Melvin avait d'abord pensé que c'était parce que quelqu'un lui en avait voulu. Pour quoi ? Ou pour qui ? Mystère. Lui-même, essayait de savoir. De son côté, le jeune homme avait daigné répondre, finalement. En expliquant que son frère lui avait juste parlé de tout c'qui se passait dans les rues, ces derniers temps. Qu'il lui avait parlé de bagarres au sein des gangs. Je crois. Je crois, qu'il disait... Mhm... Bien sûr. C'était p'têt la vérité. Mais pas toute la vérité. Il semblait vouloir s'arrêter là. À faire comprendre à Cross qu'il perdait juste son temps. Que... Bah que la psychologie inversée, c'tait pas efficace. Raté, même. Alors que Melvin avait lâché un sourire léger, presque amusé par son arrogance, lui, avait haussé les épaules. Il jouait le grand garçon, sans peur. Comme si l'intimidation ne lui faisait rien. Finalement, il avait repris. Parlant de sa personne. Il savait. Il avait eu vent des rumeurs le concernant. La star à scandale ? Nan, mais regardez-le... Il se prenait pour la huitième merveille du Monde ? Remarquez... La suite n'avait pas étonné Melvin. Hautain, comme garçon. Monsieur se disait traîner avec des escorts. Attaquant les gratte-papiers et les paparazzis envahissants. Lui, il se disait neutre dans tout ce merdier. Si la police avait des doutes, ils n'étaient pas fondés. P'têt bien. Ou p'têt bien qu'il mentait. Difficile à dire. Tout compte fait, il n'y avait pas vraiment de charges retenues contre lui. Aucune pour être honnête. Dans le dossier, c'était clair. Le gars était juste de la famille du défunt. Et il le répétait encore. Qu'il n'avait eu vent que des tensions, en ville. Que les nuits étaient pas sûres. La routine. Encore. Et... ? Et quoi ? Parce qu'il se permettait de faire des remarques supplémentaire, encore ? Pour lui, la situation à New York était une blague ? Sous prétexte qu'il était entouré de gardes du corps... Bah voyons ! « Ça suffit ! » Melvin commençait à en avoir sa claque. C'était une perte de temps. Sans le moindre doute. « Vous vous faites juste passer pour le bon samaritain qui n'a rien à voir là-dedans. J'ai pigé. En soit, c'est probablement le cas. » Cela dit... « Mais ça ne veut pas dire que vous êtes tout rose non plus. À en juger par les remarques faites par quelques photographes et journalistes. » Mais ça... Ça n'avait rien à voir avec l'enquête en cours. Malheureusement. « Pour cette fois, ça passe. J'vais devoir vous laisser tranquille. Mais si jamais j'apprends que vous êtes véritablement mêlé à tout ce merdier, on vous retrouvera. D'une manière ou d'une autre. » Mel se lève finalement de sa chaise et se tourne vers la porte, en l'ouvrant ; il rejette un œil vers le gamin. « Et vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas prévenu. » C'était clos. Melvin allait devoir signer le papelard et le laisser filer. Dommage. Pas de garde à vue pour ce soir.