« Ca fait longtemps que j’étais pas venu… » Il est encore tôt. Le cimetière est quasiment désert. C’est leur moment préféré pour venir. Izabel glisse sa main dans celle de son frère. Les années ont passées mais la douleur n’a pas disparu. Elle se répète qu’il est mieux là où il est maintenant, en paix. C’est important pour elle de venir, d’entretenir sa tombe même si elle n’a que de rares souvenirs avec lui.
A l’époque où Armando est tombé malade, la famille Mendoza était sur le point de se déchirer. Les disputes incessantes entre les parents suite à la tromperie du père avaient poussés la mère a rentré dans son pays natal avec ses enfants. Elle ne voulait plus entendre parler de son mari, elle ne voulait plus de cette vie à New York dont il rêvait. Elle ne supportait pas l’idée qu’il ait embrassé une autre femme alors qu’elle était enceinte. Ce bébé était censé les rapprocher, sauver leur couple…
Il faudra attendre quelques mois encore pour que sa mère accepte de revenir en Amérique, pour le bien des enfants, pour l’équilibre familial. Elle pensait d’ailleurs que le retour à la normal ferait du bien à leur plus grand fils, Armando. Elle le trouvait changer, il était toujours fatigué, ne se sentait pas bien, mangeait peu. Le médecin qu’elle avait consulté à Tijuana lui avait assuré que les récents chamboulements étaient la cause de ses soucis. La situation n’évoluant pas dans le positive, ils décidèrent de consulter d’autres professionnels. L’avis des médecins américains fut complètement différent. Il aura fallu de nombreux examens pour confirmer qu’il était atteint d’une leucémie.
La bataille fut longue. La bataille fut difficile. Mais l’enfant montra un courage incroyable. Et alors qu’ils pensaient que c’était fini, deux ans plus tard la maladie revient à la charge. Plus forte, plus dangereuse, plus résistante. Il faut tenir le coup tant bien que mal jusqu’à la fin. Elle arrivera plus rapidement que prévu malheureusement et emporta avec elle le frère chéri de tous.
« On mange des empanadas ce midi ? Aller dit oui ! » Le regard adorable de Luis fait céder sa petite soeur qui hoche la tête doucement. Elle a toujours aimé cuisiner, que ce soit pour sa famille ou pour le travail. Cette passion lui a été transmise par ses parents qui tenaient un restaurant en ville. Les deux aînés y ont passé énormément de temps, les regardant faire avec beaucoup d'attention. Izabel décida assez jeune qu'elle ferait le même métier que ses parents, qu'elle travaillerait avec eux. Au fil des années, elle s'intéressait de plus en plus à ce métier de cuisinière. Elle apprenait au côté de son père, l'aidant certains soirs après ses cours. Après le lycée, elle décide donc de s'inscrire dans une école de cuisine. Elle décrocha son diplôme avec succès puis trouva un emploi sans grande difficulté. Son patron lui proposera même de devenir chef après que celui en place ait pris sa retraite. Personne n'a vraiment compris quand elle a refusé la promotion mais elle ne voyait pas comment assumer autant de responsabilités. Elle ne se sentait pas capable de mener une équipe et d'assurer un service correct, même si tout le monde lui affirmer le contraire. Iza n’a jamais eu confiance en elle. Peut-être parce qu’elle a subi des moqueries à l’école. Peut-être parce qu’elle n’a jamais aimé les regards sur ses formes arrivées trop jeune. Peut-être parce qu’elle a toujours eu l’impression de ne pas en faire assez, de ne pas être ce que ses parents attendaient d’elle…
« Tu me sers un verre de scotch joli coeur ? » Iza sourit en hochant la tête, se retournant pour prendre le bon verre et la bouteille qui ferait plaisir à cet habitué. Jamais elle n'aurait cru travailler un jour dans un endroit comme le GP. Ou même accepter un compliment aussi facilement. Cela fait déjà deux ans qu’elle travaille comme barman ici. A l'époque elle fréquentait encore Joseph. Sous ses airs de gentil garçon, il ne se gênait pas aller voir ailleurs. La demoiselle a eu des soupçons pendant de longues semaines à causes des sorties trop fréquentes de Jo. Soupçons qui furent confirmé par l’un de ses amis qui lors d’une soirée trop arrosée, laissa échapper que Jo avait ses entrées au Guilty Pleasure, qu’il connaissait des filles qui pourraient leur permettre de finir la soirée en beauté. Sauf qu’Izabel n’avait pas suffisamment pour tout oublier le lendemain. Bien évidemment elle ne piqua pas de crise, elle décida de se renseigner sur cet endroit où il se rendait régulièrement.
Quelle meilleure manière d’avoir des infos sur un endroit que de s’y rendre. Ce soir là, elle sera plus marquée par la prestance des filles qui travaillent ici que par le fait que son petit-ami embrasse une autre fille. Elle ne lui prêta rapidement plus attention, ne voyant pas qu’il filait aux toilettes avec cette jeune demoiselle. Elle passa plusieurs soirées ici, avec ses amies, adorant l’ambiance de ce club. Un soir, elle remarqua la discussion qu’avait deux des personnes travaillant derrière le bar. Apparemment l'une des barmaids avait décidé de quitter son boulot après ce soir, de tout arrêter. Quelques jours plus tard Izabel trouva une petite annonce proposant le poste du GP. Elle décida alors de se proposer, persuadée de ne pas être prise. L'entretien avec la patronne, Sokolov fut un succès et elle décrocha le poste sans réellement savoir si c'était une bonne idée, si elle était faite pour ça. Mais c’était le moment ou jamais de changer de vie, de prendre un tournant et de laisser la petite Izabel trop sage, trop réservée, trop craintive derrière elle. Les premiers jours ont été un peu difficiles, un bar ce n’est pas une cuisine et il faut se montrer plus sexy qu’elle ne l’a jamais été. Mais elle a tenu le coup et deux ans plus tard, elle est toujours là.
« Aller Guappa, ramène tes fesses ! J’ai failli t’attendre ! »Un nouveau sourire se dessine ses lèvres, plus franc, amusé. Elle est à l’heure, elle l’est toujours quand il s’agit de le rejoindre. Elle lève les yeux au ciel secouant légèrement la tête au passage avant de s’accrocher au bras du jeune homme. C’est au GP qu’elle a rencontré Darshan. Le beau, le grand, le fougueux Darshan. Leur relation commença par une amitié même si en réalité elle meurt d’envie d’autre chose. Ils se voient souvent, parler de tout et de rien, de la peine qu’on peut ressentir quand on perd un frère… Les voilà bientôt devenus meilleurs amis.
Quand tout a dégénéré à New York, entre les Scorpions, les Skulls et les Sweet Poisons il a insisté pour la garder à l'abri chez lui, qu'elle laisse son poste de côté pour un petit moment. C'était pour son bien, elle l’a compris et elle l’a accepté. C’est durant cette période que tout a basculé entre eux deux. Il a suffi qu’elle le voit sortir de la douche, la serviette autour de la taille, pour céder à la tentation. Les deux y ont pris du plaisir au point de remettre ça, souvent, très souvent, et de pleins de manière différente. Après tout il n’y a pas de honte dans le plaisir.
Cela fait plusieurs semaines maintenant que tout est revenu à la normale. Sauf que la jeune femme n’est pas repartie chez elle. Elle est bien mieux là où elle est, dans les bras de Darshan. Elle sait qu’il voit d’autres femmes, qu’il couche avec elle et qu’il n’est sûrement pas près d’arrêter. Mais ils ne se sont rien vraiment promis… Alors elle ne dit rien, elle accepte parce qu’au fond elle est complètement folle de lui.