(EVENT) Black out à l'hôpital !

Les hôpitaux.
Il aime pas ça. Plusieurs raisons, souvent évidentes : il peut pas fumer, trop de gens, trop de parlottes inutiles, des couloirs austères, stériles très souvent léchés par la mort.
Urgences.
Assis cul plat sur la chaise, il attend. Il attend que l'heure tourne. Si il est là pour quelque chose ? Juste une douleur sévère dans le côté gauche. Quelques cotes fracturées probablement. Il redoute le pneumothorax mais il rejette ça sur sa mauvaise hygiène de vie, l'tabac.
Mais il est trop têtu pour crever. le médecin lui dira certainement d'attendre, d'voir, d'arrêter d’enchaîner les clopes et de s'mettre au céléri.

Alors il est là, face à ce mioche dont le nez inonde les nombreux mouchoirs de sa mère et qui continue de toussoter toutes les trois secondes. À côté, il entend des ruminements, des jurons. La cinquantaine, un crâne dégarni se plaignant de tout et rien. Râlant auprès du personnel qui passe et repasse. Auprès des patients qui sont pris en charge avant lui. Il se plaint auprès de Shad' qui se contente de lui visser un regard désabusé, désagréable. Mais ce vieux con enchaîne les plaintes et  complaintes.
Aaron tique, serre les dents. En son for intérieur, il se voit lui grogner dessus avant de lui enfoncer la tête dans le mur, derrière lui.

Faut croire qu'il a un don, ou quelque chose, car, au moment où il se tournait en direction du fauteur de trouble pour finalement lui dire ses quatre vérités, un son, le noir.
Le noir total.
Dans l'obscurité, les formes s'agitent. Des voix s'élèvent d'abord doucement, puis paniquées. Si le générateur semble s'être mis en marche pour assurer le bon fonctionnement des utilitaires vitaux ou de quelques frileuses lumières, cela ne semble pas rassurer le petit monde autour.

Les gens se lèvent de leur chaise, utilise leur smartphone en guise de lampe, appellent le personnel, déjà débordé. Autour, l'hystérie se fait croissante.
Lui ? Il reste assis. À quoi bon paniquer ?
Mais ce qui le met en rogne, c'est tout ce bruit, cette agitation inutile, dangereuse. D'autant plus quand il s'agit de l'autre vieux qui, quelques minutes plus tôt, lui sciait déjà les viscères de sa voix nasillarde. Celui-là se plaint auprès de quelqu'un, apparemment. De qui ? Aucune idée mais il en prend pour son grade. Personnel de l’hôpital ou pauvre victime anonyme ? Difficile de savoir en l'absence de lumière.

De plus en plus virulent dans ses propos, il commence à lever les bras, la voix. Le mioche se met à pleurer, au grand malheur de l'ex militaire qui se masse désespérément les tempes.
Et là, la goutte d'eau. Le cocktail sang chaud-douleur-énervement-fatigue le fait se lever d'un bond. Il grimace sous la douleur lui transperçant la cote, mais fini par chopper l'auteur des méfaits par l'épaule.
Sèchement et sur un ton acerbe, il balance :

« T'es p'être venu sur tes deux jambes, mais si tu veux pas repartir dans un fauteuil une fois que tout ça, c'est terminé, tu ferais mieux de la boucler et de t'asseoir, c'est clair ? »

Faut croire que le mauvais éclairage, ainsi que son gabarit imposant a eu raison -momentanément?- du râleur de première qui se se ré-enfonce dans une chaise tout en marmonnant un chapelet de jurons que Shad' fit mine de ne pas entendre.
Soit ça, soit une mêlée prête à éclater à tout moment.
Il jette un rapide coup d'oeil à la silhouette difficilement descriptible. Probablement, il ou elle aurait pu se défendre seul(e)- mais il voulait juste que l'autre la boucle le plus rapidement possible.

Shad' se préparait déjà à tourner les talons lorsque la silhouette s'adresse à lui.

« Merci. »

Pas trop d'humeur à l'ouvrir davantage, il arque un sourcil tentant de détailler les traits. Dans sa tête, une autre histoire : il a pas fait ça pour les remerciements, il a juste voulu que l'autre con la ferme et s'enfonce dans son siège jusqu'à que ça se tasse. Il finit par hausser simplement des épaules, silencieusement. Et alors qu'il se prépare à s'écarter pour, pourquoi pas, se barrer, la voix féminine et fluette reprend de plus belle... Le poste de police ? Avec le manque de luminosité, il fronce les sourcils, s'inclinant un peu pour apercevoir les trait féminins de la jeune ombre. Aucun nom ne lui vient à l'esprit mais son visage lui semble vaguement familier.
Vaguement.

De quel côté des barreaux ? Du bon ? Du mauvais ? Il la remet pas spécialement. Il se souvient pas avoir bossé une affaire avec elle. Elle devait être arrivée il y a peu, probablement. Moins d'un an, ce qui fait qu'elle devait l'avoir croisé lors de ses passages furtifs au sein du poste.

« Ah. Ouais. La morgue. »

Il finit par la remettre avec le légiste, la blouse blanche, l'air studieux. Si il lui arrivait parfois de se rendre dans les sous-sols de la morgue pour business, il y allait surtout pour prendre la clé des champs sans se faire repérer par certains de ses anciens collègues. Pas sûr que le chef légiste lui ait vanté ses charmes ou même son nom, mais il s'en balance. Là, il aimerait juste bien se dépêtrer de la situation. Il sait pas quoi dire, il fait sombre, les gens continuent de paniquer autour et il est là, avec une inconnue qui le reconnaît.
Et après, socialement, dans ce genre de situation, on fait quoi ?

Il tend sa paluche un peu rêche en direction de la demoiselle. La soudaineté de son geste lui arrache une grimace, une douleur dans les cotes qu'il avait momentanément oublié. La raison pour laquelle il est aux urgences.

« Aaron, ou Shad', comme tu préfères. Tu peux aussi m’interpeller par un simple « Hé. », des fois que ça marche. »

Ce qui l'arrangerait : qu'elle l'appelle pas, mais bon. Alors il regarde autour pour voir l'évolution de la situation.
Toujours sombre, toujours la panique. Il a plus la plaque ou le titre de détective pour la police mais l'instinct lui crie d'aller jeter un coup d’œil, voir ce qu'il passe. Son côté connard quant à lui, lui dit de rentrer chez lui et de bercer la douleur avec une bouteille de whisky et d'attendre de voir s'il passe ou non la nuit. Au moins, il serait loin du râleur décrépi.

« Vu l'bordel, j'vais pas m'attarder ici, j'sais pas pour toi. »

Qu'elle le prenne ou non pour une invitation à le suivre, il commence à avancer vers ce qui, s'il se souvient bien, est le chemin de la sortie.

Charleen hésite entre partir, rester pour aider son prochain. La bonne âme. Soit. Il hausse les épaules pour continuer son bonhomme de chemin. Il commence bien, à déjà se paumer dans l'noir. « Ah. » La seule syllabe qui fend ses lèvres alors que son visage adopte une moue renfrognée. D'un côté, c'est pas comme si il venait souvent ici. Alors la p'tite lui attrape la main sous prétexte qu'elle connaît bien les lieux. Perplexe quant à ce geste, Shad' la fixe d'un air sceptique qu'elle doit sûrement pas voir, dans l'noir. Il a la tronche à se faire materner sous ses faux airs Teddy Bear en carton ? Avec l'absence luminosité, p'être. En tout cas, elle s'en balance et commence à lui montrer le chemin de la sortie. Il la laisse faire, en trop mauvais état pour rétorquer. Puis... ça lui évitera de se perdre dans les dédales et de se retrouver coincé dans la maternité avec une horde de Gremlins en pleur. Il laisse échapper un simple « Merci. » sans fioritures, ni engouement. Un merci plat, mais sincère.
S'il était là pour un suspect ? Elle doit pas savoir ; pas savoir qu'il a plus le badge mais qu'il s'amuse parfois, à jouer les justiciers. Ou plutôt, les détectives privés. Alors il répond, sans trop savoir pourquoi. P'être par automatisme : « Non. C'tait pour moi. » La douleur lancinante à chaque mot, il se retient de déballer son sac, l'fait qu'il soit plus flic mais juste un simple consultant ou à propos de sa blessure. S'il serait pas plus judicieux qu'il reste là, pour des soins ? Il a pas envie d'attendre dans le noir, à côté de l'autre chauve, alors il passe son tour. Il espère juste qu'il claquera pas comme un con dans son lit à cause d'un p'tit poumon noirâtre perforé. P'être que sa douleur, c'est juste une cote cassée.
Il l'espère.
Alors il continue silencieusement. Il se laisse emporter par la jeune femme qui connaît bien son chemin. Il opine lorsqu'elle lui parle, le guide. Il sait pas trop quoi dire, ni quoi faire, la main toujours dans la sienne. Il a l'impression d'être un gosse perdu, qu'on emmène retrouver ses parents au coin d'la rue. Et, alors qu'il aperçoit enfin l'extérieur, mayhem. Un fracas assourdissant résonne et des cris paniqués s'élèvent. Une cohue générale mêlée à une bousculade. Mouvement de panique, la P'tite se fait méchamment malmené par des pauvres bouffons hystériques qui jouent des coudes.

Plus par réflexe qu'autre chose, il la pousse aussi délicatement qu'il peut, contre le mur avant de faire barrage au mouvement de foule. S'il serre les dents et grimace quand des boulets le percutent pour mieux s’engouffrer dans les méandres sinueux et obscurs de l’hôpital, il pose son regard sur la Petite Charly. Elle a pris un coup. Son nez suinte. Pour vérifier l'étendu des dégâts, il la force à légèrement redresser la tête en apposant ses doigts bourrus sur son fin menton. Il avait suffisamment cassé de nez dans sa vie pour reconnaître l'hématome. Fort heureusement pour elle, rien de méchant. Ça va juste continuer de pisser pour quelques courtes minutes.
Il lui proposerait bien d'utiliser le revers de sa manche pour s'éponger la narine mais les femmes et leurs fringues... Alors il lui tend son écharpe, à défaut de kleenex. Elle doit pas sentir la rose, plutôt l'odeur de tabac froid mais voilà. C'mieux que de se servir de ses mains ou de dégouliner sur le sol.

Voyant que le personnel hospitalier est trop occupé à droite, à gauche et à gérer le mouvement de panique et autre cohue causée par la coupure de courant, Aaron s'approche du véhicule encastré dont les phrases éclairent passablement la pièce, sous une brume poussiéreuse. Jetant un coup d’œil dehors un « Oh bordel. » s'échappe de ses lèvres.
Dehors. La rue. Les alentours. La ville. Aucun lampadaire vomit d'la lumière.
Tout est plongé dans le noir.
Il en oublie l'envie de se tirer.
Pas l'temps de s'extasier sous la lune et l'ambiance film d'horreur, il jette un coup d’œil à l'intérieur du véhicule. Le conducteur semble inconscient. Ou mort. Au choix.
Il tente d'ouvrir la portière, récalcitrante. En vain. Alors il décide de forcer sur la fenêtre semi-ouverte pour finalement la briser. Le gars à un pouls. Faible. Sur le point de passer l'arme à gauche ? Probablement. Il le détache avant de le tirer hors du véhicule. Morceaux de verre ? Il y fait pas gaffe, se concentrant sur le futur trépané.
Malaise cardiaque ? AVC ? Il sait pas trop. Il hèle la P'tite de venir l'aider, à défaut du personnel hospitalier. Elle est futurement médecin légiste donc elle doit connaître deux trois trucs, non ? Il l'espère. Lui, il sait juste écourter les vies, stopper une hémorragie ou casser des cotes en faisant un massage cardiaque. Juste les premiers soins appris à l'armée et quelques bonus avec Elle mais... Tout ce qui est interne, c'pas son truc.
La P'tite ou quelqu'un d'autre, il aimerait bien un peu d'aide.

Il se sent un peu con, l'Shadow. Planté là, comme un couillon à faire office de lampe. La p'tite quant à elle se démène pour garder le semi-trépassé en vie. P'être qu'il aurait du suivre avec plus d'application les séances de soin poussées avec Elle ; p'être qu'il aurait été capable d'aider la p'tite Charly, au lieu de tenir la lumière tandis qu'elle examine le thorax de la victime. Il sent la panique monter en elle. Lui ? Il sait gérer ça, alors il se contente d’apposer sa patte sur l'épaule de la jeune femme. Jusqu'à l'arrêt respiratoire. Le torse de l'autre ne se bombe plus et, aussitôt, Charly s'adonne au cassage de côtes aka massage cardiaque. Il se voit écraser son poing dans la cage thoracique du bonhomme en espérant faire repartir le cœur, mais il ne bouge pas, écoutant les dires de la demoiselle.
Alors il s'exécute. Il s'éloigne rapidement à la recherche du foutu chariot, dans un noir relatif. Son téléphone lui sert de lampe. Il marche sur des débris, décombres. Il entend quelques personnes crier. Toujours la panique, toujours la merde. Il jure. Il aurait mieux fait de rester dans son canapé, whisky à la main, poche de glace sur sa cote, et attendre que ça se tasse. Au lieu de ça, il a préféré v'nir consulter, avant de se retrouver contraint à jouer les supers zéros dans l'noir total.
Rapidement, l'ex-flic trouve le chariot en question. S'il fouille rapidement les tiroirs pour y lire diverses inscriptions comme "atropine" ou "lidocaïne", il finit par trouver une seringue d'épinéphrine. C'la dit, son regard se fige sur le défibrillateur ballant sur le côté du chariot. Il se prépare à embarquer la seringue et l'boitier quand quelqu'un lui attrape le bras. Un civil ? Nan. Il porte un de ces ensembles de résidents ou d'interne. D'infirmier, p'être. L'gars en question commence à lui pester dessus, l'traitant de voleur, qu'il appellerait les flics. Si Shadow a eu l'envie de lui souligner l'absence de réseaux, l'fait que la bleusaille soit probablement trop occupée dans l'Bronx, il s'est retenu, pensant à Charly prodiguant un massage cardiaque à un futur décédé si celui-là se décide pas à rapidement lui lâcher la grappe. « Y'a un mec qui est en train de claquer pas loin d'là. Si tu continues à m'les briser sans v'nir nous aider, c'est sur toi que j'vais utiliser c'truc après t'avoir cassé les rotules. » Ouaip. Toujours les bons mots pour convaincre.
Le pauvre médecin-infirmier-whatever suit Aaron qui lui indique, d'un geste du menton, le corps inanimé et la p'tite Charly à califourchon. Il serre un peu de décoration là, l'grand con. Il leur donne la seringue d'adrénaline, le défibrillateur, les laissent parler dans leur jargon médical tandis qu'il se tient comme un piquet, à côté. Il hésite à s'en griller une, en attendant que l'autre revienne à la vie ou soit déclaré mort-mort. Mais on le sollicite encore, il retourne au chariot récupéré un ballon d'oxygène avant de se stopper quelques instants en entendant des sanglots. Un marmot, en pleurs, recroquevillé près de là. Si la furtive idée de s'esquiver pour continuer d'aider Charly et le docteur en faisant le transporteur ou plutôt, l'pot de fleurs, une petite voix, au fond de lui, lui crie qu'il ne peut pas laisser le... mioche qui sanglote là, au milieu des débris, et non loin d'un frais cadavre. Alors il grimace, s'incline auprès d'la chose en bas-âge avant de lui tapoter doucement le crâne. Il sait pas trop quoi dire et sa tronche doit honnêtement pas être des plus rassurantes à l'heure actuelle. Shadow se risque à quelques mots et entre de hoquets, le gamin, qui se révèle être une gamine, elle arrive à aligner quelques syllabes, un mot « Papa. » Aucun adulte dans le coin, ils ont certainement été séparés dans l'mouvement de panique, de foule.
Alors de nouveau, il revient auprès de Charly, du médecin. La gamine lui tient la main, la jambe tandis qu'il tend le ballon à leur égard. Si le médecin lui rend un regard surpris et circonspect en voyant l'enfant, Shad' ne peut d'empêcher de rétorquer, tout en continuant d'éclairer leur labeur : « Quoi ? J'allais pas la laisser seule au milieu des décombres. » Ou peut-être est-ce un sous-entendu pour la faire regarder ailleurs. Il sait pas trop quoi faire avec la p'tite dans les pattes et il se voit bien refiler la patate chaude au médecin. Mais elle cherche ses bras, un réconfort, un... câlin ? Dans un mouvement automatique qui le surprend, il s'accroupit avant de la soulever. Si ce geste lui arrache une vive douleur, il prend sur lui, il la prend dans ses bras tandis qu'elle se niche dans sa veste, probablement fatiguée. À moins qu'elle s'essuie l'nez et les yeux. Lui et les gosses, ça fait trois.
La question lui brûle les lèvres, tandis qu'il les observe toujours.
Est-il mort ?

Après l'épisode pot de fleurs, voilà qu'il joue les baby-sitters. La gamine nichée dans l'épaule, il regarde distraitement le ballon d'oxygène de gonfler, puis s'dégonfler. Ce geste répétitif l'appelle : une clope. Il crève d'envie d'en siffler une mais, trop occupé à jouer les portes-gamins. Il se retrouve à attendre que le temps passe. Ou que ses poumons lâchent. Alors la p'tite Charly lui parle -pour changer-. Où est-ce qu'il a trouvé la mioche ? D'un signe de tête, il indique les décombres. « Assise par là, à d'mander son père. Probablement séparés dans l'mouvement de panique. » Concis, il se voit pas ajouter des détails et fioritures. Surtout que y'en a pas vraiment. Il l'a juste trouvé là-bas, seule, à pleurer dans l'noir, pas loin d'un cadavre. Il espère juste qu'il s'agit pas du père de la p'tite et que celui-ci est à sa recherche.
Alors le silence s'installe de nouveau. Les small talks, vraiment pas son truc. La mâchoire se crispe, tandis qu'il balaie les alentours du regard, encore. L'obscurité ambiante, les passants inquiets, l'absence totale de lumière... Il est long l'autre, à r'venir. Il se voit pas trop poser de questions à propos du blessé. La situation est suffisamment chaotique ; il voit bien qu'il pète pas la forme le bougre. Son cœur a lâché et il gît toujours inconscient. Qui sait s'il a pas des dommages internes suite à l'impact. Ou cérébraux vu que le cœur à quand même lâché pour un p'tit bout. Ses yeux ternes posés sur la jeune femme à la longue chevelure, il se permet : « Ton nez, ça va ? » Visiblement, vu qu'elle a arrêté de saigner mais bon. Il s'enquiert quand même. Histoire de montrer qu'il est pas trop un connard sans cœur. Ou du moins, qu'il arrive à montrer un minimum d'intêret pour les gens qui l'entourent.
L'autre revient enfin, tractant un brancard. Il a également pensé à prendre une planche, pour les aider à soulever le bougre. Pas vraiment d'humeur à écouter, ou à contredire leurs ordres sous-entendus et forcés d'exécuter, Shadow dépose la petite au sol, non sans tenter de retenir une grimace. Si la petite se décale alors vers Charleen, lui se positionne avec... Ted pour soulever l'inconscient. Dans un râle étouffé d'un juron,  le patient trouve sa place dans le brancard et aussitôt, le médecin commence à le diriger à l'intérieur. Si Charly se voit contrainte de le suivre pour s'amuser à le ballonner toutes les cinq secondes, l'ex-flic, lui, sait pas trop quoi faire. La gamine dans les pattes, la douleur omniprésente et accentuée dans les cotes, il regrette vraiment ne pas être resté chez lui, à l’abri de toute cette débâcle électrique. Cette foutue cote.
Sans trop savoir pourquoi, après avoir récupéré la p'tite dans ses bras, voilà qu'Aaron emboîte le pas des deux médecins. Enfin, médecins-médecins, vous comprenez. Avec la lumière de son téléphone, il s'arrête de temps à autre pour lire les écriteaux. Il cherche un accueil, ou le service pédiatrique, qui sait. Il interpellerait bien la p'tite mais elle semble trop occupée à brasser de l'air. Littéralement. Enfin, à sauver une vie.  Il espère juste qu'elle réussisse à se libérer des griffes de l'autre Ted et qu'il trouve le papa égaré d'la gamine. Accessoirement, que le courant revienne car la batterie de son téléphone commence sérieusement à tourner virer vers le critique. Il lui arrive parfois d'oublier d'le charger, à moins que l'obsolescence de la machine est la raison pour laquelle en quelques minutes, le petit icône affichant 100% se retrouve à affiché un beau 18%. Soit ça, soit le fait que parfois, il retrouve son téléphone baignant d'un verre de whisky.
Mais bref, il arrête de les suivre, laissant les deux médecins trop occupés à sauver une vie. Ou p'être des vies. Charleen a certainement mieux à faire que de baby-sitter un estropier qui a trouvé une gamine en détresse.
De toute manière, ils marchent bien trop vite pour son état.

Un peu distrait, Aaron écoute la gamine lui parler. Elle dit pas grand chose d'intelligible, elle rumine juste à propos des monstres, du noir. Des monstres qui ont mangé la lumière et autre babillage d'un enfant de quatre ou cinq ans. Alors il opine parfois, l'Shadow. Répondant distraitement d'un simple « Hum », « Ouais ». Elle s'en contente. Apparemment, c'est parfois même plus simple de faire la conversation à un mioche qu'à un adulte. Parfois elle tente de l'aider, faisant mine de lire les panneaux. Des fois elle hèle les ombres, quelqu'un qui pourrait les guider. Mais souvent, rien. Juste des gens trop pressés ou aussi paumés qu'eux.
Alors il s'arrête lorsqu'il entend son surnom. Cette voix familière n'est autre que Charly. Après tout, qui d'autre aurait envie de le retrouver, lui, dans l'noir, au beau milieu d'un hôpital ? Probablement pas grand monde, pour pas dire personne. A-t-elle déjà fini, avec l'autre patient ? Ils l'ont probablement poussé en soin intensif où quelqu'un d’autre a pu prendre le relais. Alors sans broncher, il la laisse s'approcher tandis que la petite demande l'identité de cette dernière. Future flic, p'être. Enfin voilà, la p'tite Charly semble presque rassurée de l'avoir retrouvé. Faut croire qu'en ces circonstances, les gens ont tendance à vouloir se serrer les coudes. Lorsqu'elle évoque le fait de trouver les parents de la petite, celle-ci, dans ses bras, resserre son étreinte autour de son cou. Apparemment elle veut pas descendre. Le top du perchoir, Shad'. Les gamins se l'arracheraient presque. Alors il tente de hausser les épaules mais, pas sûr qu'elle voit son geste. Il opine du chef.

Lui parler de sa blessure ? Bien sûr qu'elle l'a remarqué. Elle n'est pas stupide et disons qu'il n'est pas très discret. Une cote douloureuse, ça se voit. Sa démarche, la manière dont il respire, se tient. P'être qu'un œil moins avisé aurait zappé ces détails, se disant qu'il est soit bourré, soit qu'il a un point de côté. Alors il la laisse parler, la laisse le questionner jusqu'à ce que la p'tite-petite s'y mette aussi. « t'as bobo ? » Décidément ces bonnes femmes, prêtes à fourrer leur nez partout. Shad' se retient de soupirer : «  C'pas grand chose, une cote cassée, peut-être deux. » Ouaip. Il minimise. Il a pas envie de s'étaler dessus. Sur l'hématome. La douleur. Pas quand ils doivent baby-sitter une gamine, sans savoir où sont ses parents. Lorsqu'il a vu les seringues dans l'chariot a réa, il a longuement hésité à ne pas s'injecter de la lidocaïne. Mais il s'est ravisé ; "Souffre en silence et marche droit". Et aussi, il est pas médecin. Il se voit pas trop commencer à se soulever le t-shirt devant la gamine pour montrer un hématome dégueulasse. En plus, il veut pas se baisser et se redresser une nouvelle fois, histoire de pas relancer la douleur. La situation peut déjà être traumatisante alors en rajouter... « Si tu veux jeter un coup d’œil, ça sera après qu'on... ait trouvé ses parents. » P'être un moyen de remettre ça a plus tard, ou de prioriser d'abord la gamine. Ou d'éviter de montrer ça, aussi. « L'accueil est où ? Le père de la gamine sera probablement là-bas... » S'il ne s'agit pas du gars qui a claqué, lorsque la voiture a défoncé l'mur, la porte.
Alors il attend qu'elle lui indique la direction. Elle pouvait bien sûr se joindre à eux, si elle arrive à supporter Shadow plus longtemps.

Shad' le sait. C'est sérieux. Ça peut être grave, voire même mortel. Il est au courant. Il en a vu, des cons, claqués à cause de ça sur le terrain. Elle l'avait mis en garde, plusieurs fois, également quand ça lui était arrivé, là-bas. Et même durant ces dernières années, à plusieurs reprises, il a été contraint de consulter pour ça. Pneumothorax comme ils s'efforcent à lui répéter, avec des conseils barbant comme : « Faudrait arrêter la cigarette, hein. Et réduire votre consommation d'alcool aussi. Et tenter de dormir un peu plus ! » parmi tant d'autres. Mais bon. Il s'tue à p'tit feu comme il veut. Comme il peut. Mais crever d'un poumon perforé... Nan.
Alors il se contente d'acquiescer. D'la suivre avec la p'tite dans ses bras, en direction de l'accueil. La mâchoire crispée, la douleur est toujours vivace. L'pire c'est quand la mioche s'anime de droite à gauche pour s'tourner. C'pas comme si elle l'sait mais là, il hésite parfois à subitement la lâcher, ou bien juste de la foutre sur un fauteuil et d'la pousser plutôt que de s'la trimballer, mais elle a l'air d'apprécier d'être portée. Alors il laisse Charly la questionner sur ses parents, ou plutôt sur son père. P'tit brun d'une trentaine d'année répondant sous le nom de Henry Hodgins. Charleen prend les devants, tente d'interpeller toutes les personnes autours avec sa petite voix. Si personne ne semble l'avoir écoutée, ou plutôt entendue, cette dernière se tourne vers lui, une moue disant certainement « Bon, tu m'aides là ? » Nan. Il aime bien faire le perchoir. Accessoirement, la regarder galérer à se faire remarquer. Un air un peu moqueur sur ses traits, il la regarde en coin avant de finalement se décider à l'ouvrir. S'il prend une longue inspiration, celle-ci lui arrache une douleur. Encore. Alors il se racle la gorge. Hey ! Y'a un Henry Hodgins dans l'coin ? On a trouvé votre gamine. » P'être pas la meilleure des approches, mais au moins, avec sa voix rauque, il est sûr que tout le monde l'a entendu. Certains se tournent vers eux sans pour autant réagir. Puis, au bout de longues secondes qui s'éternisent, quelqu'un se ramène au pas de course. Si d'abord Shad' est réticent, il finit par lui tendre la gamine lorsque celle-ci s'est exclamée d'un beau « Papa ! » Au moins, pas d'erreur dans la livraison, pas de psycho-pédophile qui profiterait de cette cohue pour embarquer un mioche. Le patriarche les remercie « mille fois ». Si Aaron se montre distrait, distant, il remarque néanmoins que celui-ci s'adresse plus à Charly qu'à lui. P'être parce qu'elle a pas une tronche de six pieds de long et un regard des plus blasé. Alors il lui laisse faire la discussion. La petite les gratifie d'un beau sourire et d'un signe de la main, lorsqu'elle et son père commence à s'éloigner.

Il devrait p'être en faire de même. Profiter pour s’éclipser également pour aller s'en griller une. Mais la p'tite Charly visse rapidement son regard sur lui. Nope, elle semble pas avoir oublié. Quelque peu inexpressif, il lui rend son regard : « Tu veux regarder ça au milieu de l'accueil ? » Non pas qu'il soit pudique. Il en a un peu rien à foutre de ça, mais il n'apprécie pas les questions que ça va générer. Surtout lorsqu'il doit remonter son t-shirt et exhiber sa chair à de parfaits inconnus. Ça va susciter des réactions, des discussions. Questions. Il a pas envie que des gens s'approchent dans leur ennui morbide, dans leur attente que le courant finalement revienne. En plus de ça, il l'a vu, son hématome. Un hématome rougeâtre, violacé de la taille d'un poing avec la trace d'un poing américain sur la cage thoracique. Ça, en plus de ses nombreuses cicatrices récoltées ici, là-bas. Estafilades, impact de balles et autres, il est zébré d'un peu partout. « Une salle de soin, p'être ? 'Fin. Si t'as pas changé d'avis. »  Elle peut aussi avoir envie d'aller voir ailleurs. Avoir mieux à faire que de zieuter sa blessure, par exemple. Ou p'être qu'il essaie juste de s'échapper, pour changer. Pas qu'il croit pas en Charly, nan. C'est juste un grand têtu. Ou grand con. Elle doit s'y connaître un peu, en médecine. Puis... vu qu'elle travaille à la morgue, elle a du en voir des horreurs. Il en a vu, des cas quand il faisait toujours parti des bleus de la NYPD. Mais il a toujours ces appréhensions, l'Shad'. Il veut pas répondre aux questions. Il veut pas qu'on l'aide à aller mieux. Il veut juste qu'on stoppe un peu sa douleur. Physique. Mentale, il a arrêté d'espérer d'puis longtemps. Ça fait bien une décennie qu'il est torturé. Il restera probablement comme ça jusqu'à la fin de ses -maigres- jours. Car ouais... Y'a des choses qui se soignent pas. Et ça, il en parlera jamais.