Judas in my mind - Owen

Owen a été abandonné à la naissance. Il n'a aucun souvenir de ses parents. Tout ce qu'il sait, c'est qu'on l'a retrouvé devant le bureau du Shérif de Whiteville. ➸ C'est l’adjoint du Shérif qui l'a retrouvé et l'a ramené au bureau, ne sachant pas trop quoi faire. Personne ne savait, pas même le Shérif qui a appeler l’hôpital, essayant de collecter des infos, de trouver d'éventuels témoins qui auraient croisés un parent de l'enfant, mais rien. Personne ne se manifesta.   ➸ L'adjoint s'était donc chargé de la délicate mission de l'amener à l'orphelinat où il a passé plusieurs années dans l'établissement public. Les premières et les pires années de sa vie. ➸ Les enfants étaient souvent cruels entre eux et Owen en faisait les frais. Il était le mouton noir, la cible idéale. Il ne se défendait pas, ne protestait pas et ne demandait pas d'aide, n'en parlant à aucun adulte. De toute façon, ça n'aurait rien changé. Ça n'aurait fait qu'empirer les choses. ➸ Finalement, et ironie de son histoire, il a été adopté par l'adjoint au Shérif et son épouse, ne pouvant concevoir un enfant. ➸ Owen a donc pris le nom des Moore et est devenu leur fils et bien qu'ils aient tout fait pour qu'il se sente à sa place, à son aise, il s'est toujours senti différent, à part. ➸ C'est ce que les gamins à l'école ne cessaient de lui rappeler. Il était adopté et de fait, il était devenu leur nouvelle cible. Il avait retenu chaque remarque, chaque moquerie et elles tournaient en boucle dans son esprit. ➸ Subissant de nombreuses moqueries et humiliations, Owen se sentait inférieur aux autres, gagné par un profond mal-être. Un mal-être qui aurait pu l'engloutir. C'était sans compter celle qui était devenue tout pour lui. Son monde, son univers. Sa raison de vivre. ➸ Cette fille, c'était sa voisine. Leurs deux maisons étaient séparées par une barrière en bois et leurs chambres se faisaient face. Elle était son opposée. Ils étaient le Yin et le Yang. Owen était réservé et introverti, elle, était carrément plus extravertie. Ils jouaient ensemble, passaient tout leur temps ensemble. On ne pouvait plus les voir l'un sans l'autre. Ils s'apprenaient des choses mutuellement, lui partageait ses connaissances et elle l'entraînait dans ses aventures. Au début, elle le défendait face aux autres. Elle a frappé un gosse qui s'en prenait à lui et depuis, on évitait de le chercher. ➸ Elle l'a beaucoup aidé au sujet de son manque de confiance, de son complexe d’infériorité. Il souffrait d'un complexe vis-à-vis de la gent féminine qu'il n'osait pas aborder, intimidé, surtout quand elles étaient en groupe. Il balbutiait, bégayait et se ridiculisait. ➸ Et puis, il s'est mis au sport, s'entraînant avec la jeune femme, ayant un an de plus que lui seulement. C'est elle qui l'a façonné, à la manière d'un sculpteur. Elle était sa version de Camille Claudel. C'est elle qui a fait de lui ce qu'il est devenu, un beau jeune homme avec des abdos bien dessinés, plus de confiance en son fort intérieur, mais il avait gardé une part de son caractère. ➸ Elle l'a même poussé à se confronter à des filles, à tenter sa chance et ça a marché, seulement pour ces filles, il n'avait pas de sentiment. Il a commencé à avoir le béguin pour sa meilleure amie. Elle était devenue son fantasme, après la puberté. Elle le comprenait mieux que personne et entre eux la communication avait toujours été naturelle. Et elle était devenue une très belle jeune femme, il s'en rendait compte et il ressentait de la jalousie quand elle fréquentait d'autres garçons, mais il ne lui disait rien. Elle avait sa vie, lui la sienne. Il ne voulait pas l'empêcher d'être heureuse. ➸ Elle a bien fini par le remarquer, remarquer ses regards, son attitude. Elle aussi ressentait bien quelque chose pour lui et leur relation bascula. Ils étaient toujours amis, avec le flirt et le sexe en plus. Il se souvint de leur premier baiser, un baiser échangé dans un coin du bar où les parents de la jeune femme travaillaient. C'est là qu'ils flirtaient ensemble et ont commencé à jouer, à se chercher des exutoires dans cette petite ville des Etats-Unis d'Amérique. ➸ Il lui a fallu d'une lettre pour comprendre les sentiments qu'il avait à son égard. Une lettre qu'elle avait laissée un matin, alors qu'il était encore endormi et qu'elle devait partir. C'était quelque chose qu'elle lui avait bien caché, sa plume, son écriture douce et sensuelle. Et en prime, elle avait posé une goutte de son parfum sur le cachet, comme pour qu'il ne l'oublie pas. Il a trouvé ça tellement romantique, un aspect d'elle qu'elle ne montrait pas si souvent, même avec lui. ➸ Whiteville devenait trop petit pour eux et chacun devait prendre son destin en main. Elle avait une opportunité à l'étranger et elle se confia à lui. Il l'invita à poursuivre dans sa voie, car c'était une chance unique à saisir, même si ça voulait dire qu'elle serait loin d'elle. Il aurait aimé pouvoir lui demander de rester, mais il n'avait pas le droit. Il ne la possédait pas, elle était libre et indépendante. Il n'entraverait pas son destin. ➸ Après le lycée, Owen entra à l'université pour poursuivre ses études, se spécialisant dans l'histoire antique, une période qui l'avait toujours fasciné depuis qu'il était enfant. Il avait fait sa première année dans une université de proximité avant de poursuivre ailleurs, dans une très grande ville, à savoir New-York.➸ Il avait trouvé un appartement, mais pour continuer à étudier, il avait besoin d'un job. Après quelques mois en tant que serveur, plongeur dans des petits bars et restaurants, il trouva quelque chose d'inattendu. Il frappa à la porte du Guilty Pleasure, sans vraiment savoir ce qu'il y cherchait, mais il repensait à celle qui le hantait encore, songeant que c'était le genre de truc qu'elle aurait pu le pousser à faire pour lui faire quitter sa zone de confort. ➸ Il était devenu escort-boy au sein de l'établissement new-yorkais et vendait son corps aux clients, aussi bien des hommes que des femmes. Il avait dû mentir sur son âge et n'en était pas très fier, mais il aurait bientôt l'âge légal et cela n'aurait servit à rien d'attendre plusieurs mois, alors qu'il savait ce qu'il faisait. Il avait la même maturité. Il avait mis quelque temps à s'habituer à l'endroit, à l'atmosphère, avant de se sentir plus à sa place. Il avait ce que les clients recherchaient, la jeunesse, un corps d'Apollon, un visage encore innocent, un visage de bambin et il n'avait qu'à satisfaire les désirs charnels de ces inconnus. ➸ Il s'était découvert dans cet univers. Il avait découvert des choses sur lui qu'il ignorait. Il n'aurait jamais pensé coucher avec un homme et pourtant, il appréciait se plier à des coups de reins puissants, tout en sachant qu'il adorait toujours le charme de la gent féminine. Et cela lui avait aussi permis d'appréhender certains de ses fantasmes les plus inavouables. Des choses qu'il n'avait jamais dit à qui que ce soit. ➸ Le jeune éphèbe avait noué une relation particulière avec sa patronne. Ivy. Il faisait partie de ses favoris. Plus encore. Il était son jeune toy-boy. Elle pouvait le privatiser une nuit entière, pour satisfaire chacune de ses envies, chacun de ses désirs. Il avait à cœur de la combler, de la satisfaire, de lui rendre honneur alors qu'elle le laissait froisser ses draps. Il a la fougue de la jeunesse, l'endurance qui l'accompagne et il a bien conscience que c'est un jeu, il l'a accepté dès l'instant où elle a croisé son regard et qu'elle la posséder pour la toute première fois. ➸ blabla

Tout juste était-il né qu'il avait été abandonné. Pas de mère. Pas de père. Sa rétine n'avait pas conservé en mémoire l'image de sa génitrice, celle qui l'avait mis au monde. On l'avait retrouvé devant le bureau du Shérif de la ville, sur le sol, à deux pas de la porte d'entrée, en haut des escaliers qui menaient au parking où étaient stationnés les voitures du département de police. Un endroit qui n'était pas laisser au hasard. Une attention qui en disait plus long que l'acte d'abandon lui-même. Celle qui l'avait déposé voulait qu'on le retrouve rapidement. L'enfant pleurait dans la rue, emmitouflée entre plusieurs épaisses couvertures. Personne n'a vu la femme disparaître, tête basse, s'éloignant de là où elle avait laissé son enfant. Aucun témoin. Personne n'a vu le baiser plein de tendresse qu'elle a posé sur son front avant de le poser au sol, ni son geste plein de délicatesse en essuyant une larme qui avait coulé le long de sa joue. Aucun témoin, mais une caméra de surveillance qui avait enregistré la journée du 22 septembre 1999, heure par heure, minute après minute. En grandissant, Owen s'est souvent posé la question de savoir qui était sa mère biologique, pourquoi l'avait-elle abandonné dès sa naissance, sans même laisser un mot, ne serait-ce qu'un début d'explication à son geste, alors qu'il aurait pu comprendre. Son premier souvenir était celui de l'orphelinat, et il n'était pas le plus heureux. Owen ne s'est jamais senti bien dans cet endroit, entouré par d'autres enfants. Des gamins comme lui, en quête d'un semblant d'affection, d'une reconnaissance. Il était difficile de s'attacher. Les adultes étaient les seules figures qu'ils avaient, quand bien même ce n'était pas un exemple, le bon modèle. Ils mettaient des barrières affectives entre eux et les orphelins, au point où on pouvait parler de froideur à l'égard des jeunes enfants. Il se souvenait des murs froids et austères des longs couloirs, il se souvenait de bien des détails, la façon dont les autres le traitaient. Mais sans modèle à suivre, sans personne pour définir le bien et le mal, à qui la faute.

Après plusieurs années au purgatoire, Owen se voyait enfin adopté, rejoignant une famille qui pourrait l'aimer, lui apporter du confort et de la sérénité, toute l'affection dont il avait manqué depuis le jour de sa naissance. Mais malgré toutes les bonnes intentions de cette famille qu'il n'avait pas choisie, il ne se sentait pas totalement à sa place, comme s'il comblait juste un vide. Un vide sentimental. Owen s'était toujours senti différent. Dès son plus jeune âge, et cela n'allait pas en s'arrangeant. Quand il fit sa première rentrée, il se retrouva confronté à une nouvelle forme de cruauté, une mise à l'écart. Il était le paria, le mouton noir. Il était différent, il n'était pas comme eux. Et ça, on se chargeait bien de le lui rappeler. Il était l’orphelin, celui que sa mère n'aimait pas assez pour le garder, dont elle ne voulait pas. Il n'avait pas oublié les moqueries à ce sujet, ce qui l'avait profondément marqué même s'il se forçait à ne rien montrer, pas même à ses parents d'adoption. Il se contentait de faire taire son mal-être, de le garder pour lui, de le verrouiller pour ne pas le laisser surgir. Mais le verrou finissait toujours par sauter et alors, il craquait.

Quelqu'un lui jeta une bouée de sauvetage à laquelle s’amarrer. Quelqu'un lui avait tendu la main. Ce quelqu'un, c'était la fille de l'autre côté de la barrière. La jeune voisine. Elle était plus âgée que le brun, mais elle devint assez rapidement sa meilleure amie. Celle à qui il pouvait tout dire, qui ne le jugeait pas. Celle qui le rendait meilleur, chaque jour, et le poussait à s'améliorer encore et toujours. Elle le connaissait mieux que personne, connaissait ses défauts, ses difficultés. Son manque de confiance, son complexe d'infériorité, son mal-être. Une amie et une coach de vie. C'est ce qu'elle était. Ils ne se séparaient jamais et il n'avait rien oublié de leurs jeux, des rires, des journées où ils s'écorchaient les genoux dans les champs avant de s'effondrer l'un sur l'autre en riant encore. Elle avait tendance à le faire sortir de sa zone de confort, à le pousser de ses retranchements en le mettant dans diverses situations pour se confronter à ses craintes et les affronter. Elle l'avait même poussé dans un groupe de filles. Et une autre fois, elle l'avait obligé à rentrer dans la boulangerie, à changer plusieurs fois de commandes, avant de finalement sortir sans rien acheter. Elle était toujours là pour lui, à n'importe quel moment, qu'il pleuve, qu'il neige, que le tonnerre gronde au-dessus de leurs têtes. Elle l'avait tant faire rire, elle et son caractère aux antipodes du sien.

En grandissant, les amis devinrent des amants. Le jeune garçon devenait un jeune homme en pleine croissance et la jeune fille devenait une magnifique jeune femme. Ils se comprenaient sans même avoir besoin de se parler, juste en échangeant un regard. Ils avaient fait les 400 coups ensemble. Il n'avait jamais oublié leur premier baiser, ni la douceur de ses lèvres contre les siennes, de la chaleur de son souffle qui effleurait son derme entre chaque baiser qu'elle déposait le long de sa mâchoire, dessinant un sillon le long de son cou et descendait sur son épaule pour s'éteindre bien plus bas. Il avait mémorisé ses courbes, chaque angle, chaque parcelle de son corps. Et même les sentiments s'étaient mêlés à leur histoire, une histoire si parfaite. Il l'avait compris à la lecture de sa lettre, le matin de son départ, tandis qu'elle avait quitté sa couche en le laissant dormir, en emportant les souvenirs avec elle. Il l'avait lu et relu, la gardant précieusement comme la relique d'un saint. Il y avait de ça. Après tout, elle était sa déesse. Une déesse toute-puissante à laquelle il vouait un culte. Il avait même recopié sa lettre dans son journal où il consignait tout ce qui lui traversait l'esprit, les anecdotes comme les faits les plus importants, ses sentiments, ses passions, son quotidien.

La lettre:

Owen l'avait laissé partir. Elle avait une opportunité incroyable et il ne voulait pas être celui qui se serait mis sur son chemin, quand bien même il aurait aimé qu'elle reste. Il aurait pu murmurer ce simple mot contre ses lèvres. Comme une supplique. Elle n'aimait pas les adieux larmoyants. C'est pour ça qu'elle est partie à l'aube, après avoir caressée une dernière fois la nuque de son amant, glisser ses doigts dans ses mèches d'un noir de jais.

Et ce fut son tour de s'envoler, certes moins loin. Il avait quitté Whiteville et sa Caroline natale pour gagner la cité de New-York, là où tout était possible. Il étudiait l'histoire ancienne dans une Université et travaillait en même temps pour financer ses études et garder un toit au-dessus de sa tête. Le Guilty Pleasure s'imposa à lui. Ce n'était pas lui qui avait choisi, mais l'établissement qui l'avait choisi. Comme si ce dernier avait une âme. Il a poussé les portes et Owen est devenu Éros, courtisan, éphèbe, étalon qui ravissait les cœurs comme les corps, s'offrant entièrement à des mains inconnus, finissant inlassablement par oublier les visages qui disparaissaient à l'aube...