Nevaeh || All I want is to fly with you

elle est née hors mariage, sa mère était mannequin. Elle est le fruit d'une histoire sans lendemain ➸ elle est surdouée non diagnostiquée et possède une mémoire eidétique ➸ elle a abandonné l'école après le lycée ➸ elle n'a jamais connu son père et elle lui en veut de n'avoir jamais été présent ➸ sa mère est décédée des suites d'une cardiomyopathie, elle a refusé de faire le test pour savoir si elle était atteinte de la même maladie ➸ elle a gouté à la drogue avec des amis du lycée et n'a plus jamais arrêté ➸ elle deale pour les scorpions en plus de cumuler deux autres petits boulots mal payés ➸ elle a toujours vécu dans le Bronx ➸ il y a un an environ, elle a été droguée au GHB par un type dont elle n'a aucun souvenir, elle est tombée enceinte de son agresseur et a décidé d'avorter, personne dans son entourage ne le sait ➸ elle est engagée pour le droit des femmes et se bat pour la cause afro-américaine ➸ elle a décidé de retrouver son père biologique suite au décès de sa mère. Officiellement parce qu'elle veut lui tirer de l'argent, officieusement car elle se sent seule et en manque de repères.

« Maman, pourquoi j’ai pas de papa ? » Cette question, je l’avais posée à ma mère des dizaines et des dizaines de fois. Chaque année à la fête des pères, je voyais mes camarades de classe enjoués à l’idée de partager ce moment avec leur paternel et moi j’étais de celles dont le père ne s’était jamais manifesté. Pas du côté des gosses de divorcés, juste une gamine né sans père. Les enfants peuvent être cruels entre eux et plus d’une fois elle avait essuyé les plâtres. « Ton père voulait pas de toi c’est pour ça qu’il est parti. » « Ta mère s’est fait sauter par le premier venu elle a qu’à assumer. » Ce genre de mots qu’on encaisse en faisant bonnes figures. Ma mère m’avait toujours dit que je n’étais pas vraiment désirée, un accident de parcours, un défaut de contraception, mais elle m’avait aussi répété que dès qu’elle avait su, elle avait fait le choix de me garder. Elle a choisi de mettre sa carrière entre parenthèse pour m’élever et aussi loin que je m’en souvienne, j’ai été aimée, et élevée du mieux qu’elle a pu. On ne croulait pas sur l’or, mais disons que nous n’étions pas à la rue. J’ai grandi dans le Bronx, fille unique un peu particulière. A l’école j’étais la gamine un peu trop dissipée en classe, celle qui ne tenait pas en classe et qui avait toujours la tête dans les nuages. La gamine qui avait du potentiel, mais qui préférait de loin se perdre dans des livres plutôt que d’écouter. Le genre qui agace parce qu’elle est capable de répondre alors qu’elle n’écoutait rien. La réalité, c’est que je m’y ennuyais comme personne. Aux yeux de ma mère, j’étais un petit prodige, son intelligente petite fille. Aux yeux du système scolaire, j’étais un problème car élément perturbateur. Ca n’était pas de ma faute si j’avais appris à lire bien avant les autres et que j’avais toujours une longueur d’avance. Je percutais juste plus vite que les enfants de mon âge et ne m’intéressait déjà plus au coloriage et autre chose du genre.

J’ai passé les trois quarts de ma scolarité à m’ennuyer comme un rat mort. Personne n’aura jamais posé les mots sur ce qui me rendait différente, surdouée j’avais fini par décrocher au fil des années. Au lycée, j’ai commencé à fréquenter les mauvaises personnes, je faisais la fête bien trop souvent, c’est à cette époque que j’ai commencé à fumer, d’abord les drogues douces, puis j’ai goûté à plus. Toujours plus jusqu’à ne plus pouvoir m’en passer. J’aurai pu continuer mes études, aller à l’université et décrocher un diplôme prestigieux, peut-être même que j’aurai pu devenir médecin ou autre chose, mais je l’avoue j’ai tout lâché. Le fait que ma mère fasse une attaque n’a sûrement pas aidé, quelque part je crois que je m’en suis voulu… elle s’épuisait au travail pour que j’ai une chance d’étudier. On lui a diagnostiqué une cardiomyopathie congénitale. Son traitement coûtait un bras, toutes nos économies y sont passées et j’ai commencé à dealer pour les Scorpions. De quoi me payer mes doses et aider ma mère à payer son traitement. J’avais 17 ans à peine à l’époque. Ma mère voulait que je fasse le test, par crainte que je sois atteinte par le même mal, mais j’ai refusé catégoriquement par crainte qu’elle découvre que sa petite fille consommait des substances illicites. A 18 ans, je lui ai dit que je l’avais fait et que je n’avais rien. Elle était rassurée, c’était le principal ! Moi je ne voulais pas savoir, de peur que ça ruine ma vie ! Je prenais le risque !

Ma vie a pris un tournant décisif y a un an de ça. Une soirée classique : alcool, ambiance festive, jeux d’alcool, fumette, ecstasy, coke... Classique sauf que de cette soirée, je ne me rappelle de pas grand-chose. Au réveil, je n’avais plus de vêtements, j’avais mal partout… La conclusion ne s’est pas fait attendre, il ne fallait pas être sortie d’une école prestigieuse pour comprendre que j’avais été droguée et violée. Je ne l’ai dit à personne, je suis rentrée chez moi et j’ai fait comme si de rien. Je n’ai pas porté plainte, car je n’avais aucun indice à leur donner, je ne savais pas qui avait fait ça. Est-ce qu’il était seul, ou alors étaient plusieurs. Trois semaines plus tard, j’ai appris que j’étais enceinte. Là encore, je n’ai rien dit… Surtout pas à ma mère car je crois que ça l’aurait tuée. Son état de santé s’était fortement dégradé, son cardiologue avait évoqué la greffe, alors si elle apprenait que son bébé avait été droguée, violée et en prime qu’elle était enceinte, ça l’achèverait. J’ai donc cherché une solution loin du Bronx et de l’hôpital. Rhy, un médecin qui avait accepté de pratiquer un avortement sans me poser de question. Je n’avais pas grand-chose à lui donner, quelques dollars fraichement gagnés et j’étais débarrassée de ce poids. Je ne m’attendais pas vraiment à le revoir après ça, et je ne sais pas vraiment pourquoi il est revenu vers moi. S’assurant que j’allais bien, se doutant que je n’avais sûrement pas fait ça de gaieté de cœur.

Maman est décédée six mois plus tard. Son cœur a lâché et elle est partie en me laissant seule. Paumée, je ne savais pas vraiment quoi faire, je suis tombée sur une lettre dans les affaires de ma mère, elle m’était adressée et parlait de mon père biologique. De quoi me mettre sur sa piste. J’avais un nom rien de plus, elle ne savait pas où le trouver, ni même s’il était encore en Amérique. J’ai d’abord voulu brûler ce foutu papier… Ce type n’était pas mon père, tout juste un donneur de sperme… Un type incapable de garder sa queue dans son pantalon ou d’enfiler une putain de capote pour s’assurer qu’il n’engendrerait pas de gamin à tout va. Combien de gamin comme moi au juste ? Par curiosité, j’avais tapé son nom sur internet et ce que j’avais vu m’avait agacée. Pendant tout ce temps, il avait vécu à quelques kilomètres à peine… Plein aux as quand ma mère trimait et s’usait la santé pour nous faire vivre… Le genre de mec qui se trimballait une nouvelle poule tous les soirs. A le voir sourire, je ne le connaissais pas et pourtant je n’avais qu’une envie lui cracher ma colère au visage. Je le détestai avant même de le rencontrer, décidé qu’il était en partie responsable de la mort de ma mère. Il y a de ça un mois ou deux, j’ai commencé à tourner autour du Colisée pour l’apercevoir. Je le regarde se pavaner dans ce luxe en restant dans l’ombre, pour le moment je n’ose pas franchir le pas et le confronter… Peut-être par crainte d’être rejetée. Ces derniers temps, je suis encore plus paumée, je ne sais plus qui je suis, ni même ce que je dois faire. Avant je trouvais refuge chez les scorpions, mais depuis que notre chef est mort tout fout le camp et le bordel dans ma tête n’en est que plus grand. Je reste par nécessité pour ne pas être à la rue, j’ai besoin de ce fric pour survivre. Ce fric que mon père dépense sans compter.