sur un malentendu (evie caldwell)

Depuis toujours, on pardonne à Evie. Ou presque. À vrai dire, on lui pardonne la plupart des maladresses qui semblent causées par une déficience apparente lorsqu'il s'agit de faire usage de sa raison lacunaire. On la dit simplette alors on accepte qu'elle soit incapable de terminer les taches intellectuelles. ➸ Evie a toujours voulu troquer son air mièvre et desuet pour des regards langoureux et une étreinte brûlante. Elle s'y essaie rarement, échoue trop souvent, retombe sans cesse dans cette manie qui, insatiable, la positionne dos au mur, puis face sol. Les joues rouges et les mots qui fuient, incapable de se faire maitresse de ses envies, maitresse de ces fois-là. ➸ Si Evie veut se penser l'âme généreuse, aventurière, altruiste, elle est surtout et essentiellement esclave de sa dépendance, prisonnière d'un égoisme viscéral qui la place avant tous, avant tout, avant la raison et l'essence humaine. Oui, voilà, Evie est inhumaine. Elle est étrange. Elle veut et a tout puis elle ne dit pas, ce qu'elle veut, non, il faut que ses désirs flottent vers elle et qu'elle puisse les saisir d'une main pendant que l'autre tient ses désillusions. ➸ Evie a passé une enfance puis une adolescence toutes deux plates et décolorées dans un établissement privé proche de New-York. Une sorte de maison d'excellence sensée la transformer en machine à penser, agir, décider. Elle portait de jolie jupe plissées et gardait ses cheveux bien rangés. Elle était parfaite, Evie, jusqu'à ses 16 ans. ➸ Puis il y a eu le retour à la réalité - choc ennivrant teinté d'une douce violence. Elle ne peut pas rester cloitrée dans cet établissement grisâtre, avait dit maman. Alors Evie revint à la vie après un sommeil pénible.  ➸ Trop aimée, elle ne sait que faire de cet amour paternel qui l'étouffe et l'emprisonne dans un monde poupesque dont elle ne veut rien. Evie a perdu beaucoup de son bon sens, elle veut croquer le déchaînement, sombrer dans la déraison. Alors elle griffe et repousse ceux qui encore croient en elle, cherchant à faire s'effondrer son monde. ➸ Droit et économie, langues et littérature anglaise, biologie, médecine et autres prestigieuses filières aux yeux de ses parents ont été entamées puis abandonnées. Si bien qu'il s'avère onéreux de trouver encore une université voulant bien de ses pourcentages moindres. Dernièrement, elle est inscrite en arts mais n'a toujours pas fait apparition dans les amphithéâtres. ➸ Prenez Evie et détruisez-la, elle le quémande, pense en mourir d'envie, se sentir de ce monde, le sang qui bout et les cordes vocales bousillées. Elle crèverait sous tes coups, courrait dans les ruelles sombres, chialerait dans ton lit. Evie veut puis ne veut plus. Elle veut la violence puis se rétracte. Evie n'appartient réellement qu'aux fugues nocturnes dans new york qui l'avale toute entière.