Wake up la belle au bois qui dort | Sid

Sa robe portait encore les stigmates de ce carnage. Impuissante, la métisse avait vu celui qu’elle considérait comme son père s’effondrer et les pompiers finir par l’embarquer alors qu’il était inconscient. Elle avait assisté à la scène, sans comprendre ce qui venait de se passer. Un coup d’œil à l’assemblée alors que les lieux commençaient à se vider. Elle avait pris part à ce carnage et pour l’heure la brune ne savait même plus comment penser. Elle s’était fourvoyée, perdue et dorénavant elle se retrouvait engluée dans une situation qu’elle ne maitrisait plus du tout. Une impression cruelle qu’on venait de lui arracher ce qui lui restait de famille. La brune s’était présentée à l’hôpital, loin d’être la seule à être affublée d’une robe embarrassante à souhait. Sa poitrine s’était serrée à peine avait-elle franchi les portes automatiques. Un sentiment oppressant, angoissant tant elle avait passé du temps entre ses murs qu’elle connaissait par cœur. Ses pas l’avaient guidée jusqu’à l’accueil avec un automatisme quasi déprimant et pour toutes réponses à ses questions, on n’avait refusé de lui répondre étant donné qu’aux yeux de la loi, elle n’était qu’une inconnue sans la moindre affiliation. Par souci de protection, la jeune femme n’avait jamais évoqué son lien de parenté. De toute façon, elle n’avait absolument aucune preuve et elle doutait qu’il veuille encore entendre parler d’elle s’il venait à s’en sortir. La métisse avait fini par quitter les lieux après des heures passées à attendre en vain. Il lui fallait se changer, faire disparaitre le sang et cette tenue maudite. En passant les portes de son appartement, la jeune femme avait passé un long moment sous la douche. Rendant tout ce qu’elle avait pu avaler, rongée par la culpabilité qu’elle était. La douleur dans sa poitrine n’avait pas disparue, elle l’avait juste ignorée…

Le lendemain, la métisse était retournée dans ce lieu qui avait vu mourir sa mère. En plein jour, la sensation était encore pire à ses yeux. Les couloirs avaient la même odeur, aseptisés au possible. Habituée des lieux, la jeune femme savait qu’elle aurait essuyé un nouveau refus de la part du personnel. Alors elle s’était arrangée pour contourner le souci. Après tout, beaucoup ici la connaissait au vue du nombre d’heures qu’elle avait passé ici. « Je souhaite juste savoir s’il va bien, s’il est en vie… J’étais au bal et il est tombé devant moi. » Ses mots étaient adressés à l’une des infirmières qui avaient soigné sa mère. « Je vais me renseigner, mais je ne pourrais pas t’en dire trop, tu sais que je n’ai pas le droit de te donner ce genre d’information sans risquer ma place. » D’autant qu’il y aurait enquête et qu’à roder ici, on pourrait sûrement lui prêter des intentions mauvaises. « Comment tu vas Nevaeh ? » Le genre de question qui vous plombe le moral et à laquelle la brune n’avait pas vraiment de réponse. « Ca va… Y a des jours plus durs que d’autres mais, je m’en sors ! » Restée évasive, l’infirmière lui avait souri, bienveillante avant de prendre son téléphone pour appeler le service concerné. « Il est en vie, son état est stable, mais il ne s’est pas encore réveillé. » Le soulagement avait du se lire sur son visage, même si l’inquiétude l’avait vite remplacée.

Durant les jours qui avaient suivis, la métisse était revenue pour prendre des nouvelles pas toujours avec le même succès, quémandant et glanant des informations… mais aujourd’hui on lui avait dit qu’il était réveillé et une part de sa culpabilité s’était envolée l’espace d’un instant. Tête de pioche, elle avait essayé de glaner le numéro de sa chambre, en vain bien sûr, mais elle avait bon espoir. L’infirmière lui avait promis de demander s’il voulait bien la rencontrer.

« Monsieur Leatherwood, une jeune fille souhaiterait vous rendre visite. Elle dit vouloir prendre de vos nouvelles. »

Sid se souvint d'avoir débuté une danse avec Nevaeh avant de lui cracher du sang dessus. Cela avait été plus fort que lui, c'était immédiat. Il n'avait pas le temps de culpabiliser pour cet acte que ce fut ensuite le trou noir. Leatherwood ne se souvint de rien, pas même de ce qu'il a pu rêver ou voir. Il avait l'impression d'entendre par moment des gens parler autour de lui, des bruits de moniteur, mais rien d'autre. Lorsqu'il se réveilla au bout de quelques jours, le propriétaire du Colisée eut l'impression d'avoir dormi toute une éternité sans réellement savoir pourquoi. Il se retrouva dès lors dans une chambre d'hôpital. L'infirmière cru voir revenir un mort entre les vivants et manqua de crier avant d'appeler en vitesse un médecin. Ledit médecin l'analysa que ce soit ses membres pour s'assurer qu'ils fonctionnent, mais également ses yeux, etc. Une fois l'effervescence passée, Sid apprit qu'il avait été victime d'un empoisonnement. Il se souvint des personnes autour d'eux tomber comme des mouches au sol. Leatherwood les avait rejoint aussitôt. Sid se demandait si Nevaeh avait subi la même chose. Il lui semblait que la jeune femme était en bon état avant de fermer les yeux. Il n'avait aucune certitude. Le quadragénaire allait faire en sorte de retrouver sa piste. Cependant, en attendant il devait se rassasier, manger et attendre encore un jour pour quitter l'hôpital. Les flics devaient aussi l'interroger. Le propriétaire du Colisée ferait en sorte de demander Adriana après tout elle était sa binôme, enfin du moins il était son consultant. Maintenant que Sid était réveillé, il était égal à lui-même sur un lit d'hôpital. Il ne laissait pas indifférents quelques infirmières avec qui le quadragénaire prenait plaisir de les complimenter et discuter avec elles. Il avait également eu le droit à des fleurs, des chocolats, des peluches d'admiratrices et admirateurs. Enfin pour finir, Leatherwood avait demandé quatre glaces en dessert parce qu'il avait encore trop faim. Il était d'ailleurs en train d'en déguster une avec la petite cuillère spéciale glace lorsqu'une infirmière lui demanda si une jeune fille pouvait venir à sa rencontre.

« Une admiratrice ! J'espère cette fois avoir des chocolats au caramel. Enfin en espérant qu'il ne s'agit pas d'un paparazzi ! Faites-là rentrer, elle va me tenir un peu compagnie ! »

Sid sourit. La solitude ce n'était pas son truc et puis il s'ennuyait dans sa chambre. Étant hyperactif, il ne tenait pas en place alors elle lui ferait de l'animation. Quelques minutes plus tard, Nevaeh arriva dans la chambre. Leatherwood lui adressa un sourire avant de dire égal à lui-même :

« Tu vas encore penser que je le fais exprès mais j'imaginais plus une admiratrice qui ne soit pas de mon sang. » il rit avant de l'inviter à s'approcher : « Tu veux une glace ? L'infirmière a dit que si je suis sage j'en aurai même une cinquième ! » Sid lui adressa un sourire avant de l'observer et de dire sincèrement : « Je suis content que tu n'aies rien. C'est un miracle que tu aies été épargné apparemment il y a eu beaucoup de blessés et de morts. » Il ajouta également : « Je suis également désolé pour ta robe, je te la ferai nettoyer au pressing ou t'en achèterai une autre. » Leatherwood n'avait le moindre doute sur sa fille.

Se triturant les doigts, la métisse se ronge les sangs en attendant le retour de l’infirmière. Elle s’est déjà fait des montagnes de scénario, comme lors de leur première rencontre… Et étrangement, la brune avait du mal à voir comment tout ça pouvait bien se terminer. Rongée par une culpabilité maladive depuis l’hécatombe, la jeune femme avait cherché comment parler à Jorhane, il lui fallait avouer sa faiblesse et surtout sa désapprobation quant à ce qu’il s’était passé au bal. Loin d’elle l’idée de vouloir se rebeller ou autre, elle cherchait juste à se dégager de cette toile dans laquelle elle s’était engluée. La brune n’avait rien d’une tueuse, rien d’une criminelle et tout ça la dépassait finalement bien trop ! Que penserait-il d’elle s’il savait ? D’ailleurs que lui avait dit la police ? Avait-il seulement des doutes sur son implication ? Tant de questions sans réponse.

Quand l’infirmière revient vers elle, la jeune femme est presque certaine que la réponse sera négative. Pourtant c’est une autorisation qu’on lui donne ! Il accepte de la voir, même si elle n’a jamais décliné son identité au final, alors elle n’est pas complètement à l’abri de se faire refouler une fois qu’elle aurait passé l’encablure de la porte. Peut-être même qu’il appellerait la police pour la livrer. C’est donc d’un pas à la fois pressé et hésitant qu’elle se présente à la porte. L’accueil qu’il lui réserve est à mille lieux de celui qu’elle avait attendu et étrangement ça avait eu le don de faire s’envoler son trac et son angoisse en un claquement de doigts.

« Je constate que… vous êtes toujours égal à vous-même ! » Elle lui accorde un grand sourire avant de s’approcher. Elle est ravie de voir qu’il se porte bien, elle s’était préparée à un spectacle plus dramatique, habituée qu’elle était de cet endroit qu’elle détestait. Au final, le voir bien portant et non mourant venait de lui mettre du baume au cœur. Autant que le fait qu’il venait de la qualifier comme étant une personne de son sang. Comme une idiote, elle avait souri d’autant plus venant s’asseoir près de lui. « Et bien si gentiment proposé, j’vois mal comment refuser ! » Parce qu’à le voir ainsi, avec sa petite cuillère en plastique, on pourrait presque voir un gosse et ça l’amuse ! Un peu de légèreté après ses quelques jours passés à s’angoisser. A sa remarque, elle ne peut néanmoins s’empêcher de baisser les yeux. « Un miracle oui… » Ou alors une culpabilité bien réelle car elle sait qu’il y a eu des dommages collatéraux… « Si vous vouliez vraiment que je ne puisse pas la rendre, je me serais contenté du classique verre renversé ! » Elle le taquine un peu, car après tout, c’est un peu la base de leur relation ! « Je me fiche de la robe en réalité… J’suis pas faite pour porter ce genre de chose… En tout cas, moi aussi je suis heureuse de voir que vous semblez toujours égal à vous-même ! Ne soyez pas trop vache avec les infirmières, certaines sont vraiment bienveillantes. » Elle laisse sous entendre qu’elle les connait, sans savoir s’il fera le lien ou non avec la mort de sa mère.

« Je suis sincèrement désolée pour tout ce qui est arrivé. » Elle ne peut résister plus longtemps au besoin de s’excuser, bouffée qu’elle est de culpabilité.

Sid avait accepté la visite de son invité surprise. Un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal, ce n'était pas dans ses habitudes d'être seul. Leatherwood fut agréablement surpris et ravi de voir qu'il s'agissait de sa fille. Si le propriétaire du Colisée ne voulait pas jouer un rôle de père, il devait admettre qu'un lien indéfectible s'était créée entre eux. Il sourit amusé à sa remarque.

« Toujours ! Tu pensais que j'allais me transformer en zombie ? »

Leatherwood se mit à rire avant de manger une cuillère de sa glace et de lui en proposer une. Il n'aimait pas tellement ce qu'il mangeait à l'hôpital, mais les glaces c'était délicieux et surtout plein de sucre ! Nevaeh accepta sa proposition et s'approcha de lui. Sid lui tendit une des glaces et l'une des cuillères. Pour la taquiner, il dit alors :

« Je vois que tu n'as aucun scrupule de dépouiller un malade de sa collation ! »

Bien évidemment, il se fichait d'en avoir une en moins et cela lui faisait plaisir de partager ce petit moment avec elle. Pensant que sa fille n'y était pour rien dans cette histoire, Sid était ravi qu'il ne lui soit rien arrivé. Il préférait être sur un lit d'hôpital sa place. D'ailleurs, s'il avait été mort à cause de ce poison, il se serait dit que c'était la vie. Leatherwood étant partisan pour ne pas mourir vieux alors !

« Ne dis pas des choses pareilles, elle t'allait à ravir ! Tu faisais plus femme et moins ado prépubère allant au lycée avec son sac à dos. » Encore une petite taquinerie, après tout il aimait bien son look même s'il était différent du sien et de ses clients. Nevaeh était contente de le savoir en vie et elle espérait qu'il n'embête pas les infirmières parce qu'elles étaient bienveillantes. Le propriétaire du Colisée compris le sous-entendu dans sa phrase. La jeune femme lui avait avoué que sa mère était morte d'une maladie.

« Tu sais que j'aime beaucoup trop les femmes pour être vaches avec eux ! » il sourit amusé avant de lui dire de façon sérieuse : « Promis je serai sage. » Ce n'était pas déjà le cas ? Et puis il avait la côte avec les infirmières avec son humour. « Tu n'as pas à être désolée, ce n'est pas de ta faute. Alors arrête de culpabiliser pour je ne sais quoi parce que je le vois bien que tu as quelque chose qui te tracasse. » Sid ne la connaissait pas par cœur, mais il la connaissait à présent suffisamment pour voir lorsqu'un truc ne tournait pas rond. Nevaeh était comme lui dans le sens où elle était expressive. « Qu'as-tu fais depuis le bal ? Rassure-moi tu ne t'es pas morfondu sur mon compte ? » Sid voulait s'assurer qu'elle allait bien, il espérait qu'elle ne s'était pas arrêtée de vivre à cause de lui. Qui sait ? Cette épreuve allait sans doute les rapprocher davantage.

La métisse est ravie de pouvoir entrer cette fois, et elle l’est d’autant plus quand elle comprend qu’il va bien et qu’il n’est pas à l’article de la mort ! Elle s’était fait un monde en découvrant qu’il était dans le coma, avait paniqué à l’idée de devoir revivre le deuil, même si elle ne le connaissait que depuis peu de temps et même si quelque part il n’assumerait certainement jamais ce rôle de parent comme elle l’aurait aimé sans l’admettre. Alors elle sourit à l’évocation du zombie. « En zombie… peut être pas, mais que vous deveniez impotent… possible ! » Elle le charrie, parce qu’elle sait qu’il va bien, du moins ça lui semble et ça la rassure. Elle n’hésite donc pas vraiment à s’accaparer la glace qu’il lui propose. « Absolument aucun non, il faut bien savoir se montrer un minimum opportuniste, non ?! » En effet, elle n’avait aucun scrupule à le dépouiller ! Elle s’empare donc du pot de glace et ne tarde pas à l’ouvrir pour s’en délecter. « J’sais pas combien de ces trucs j’ai pu avaler quand… » Elle s’arrête dans sa lancée, un pincement au cœur en songeant à ce souvenir. Elle préfère se fixer sur une chose plus futile comme ce bout de tissu bien trop guindé qu’elle avait porté et qui était bon à jeter à présent. Son début sonne comme un compliment, et la métisse s’en trouve flattée jusqu’à ce que la pique tombe et qu’elle se renfrogne vexée comme une puce !

« Disons qu’au moins… Moi j’me balade pas les fesses à l’air dans ma blouse ! » Une ado pré-pubère… rien que ça ! Ah c’est sur que dans son monde elle faisait tache ! Une tache bien visible ! Avec une moue vexée, elle ajoute. « Après c’est vrai qu’à votre époque c’était surement pas les mêmes standards ! » Oui c’est gratuit, mais il l’avait cherchée alors, il n’avait qu’à assumer les choses ! « Et c’est justement parce que je sais que vous aimez beaucoup les femmes que je fais la remarque ! » Et parce qu’elle a certaines affinités ici et que ça l’ennuierait qu’il puisse abuser de son statut ou autre, même si dans le fond, elle espère qu’il n’est pas ce genre de personne ! Le genre à user et abuser pour obtenir gain de cause au point d’en devenir un être exécrable au possible. Avant, peut-être qu’elle l’aurait pensé sincèrement en le disant, là elle cherchait juste à le taquiner comme lui pouvait le faire. Elle cache aussi en grande partie son stress et son angoisse derrière l’humour. Il tente de la déculpabiliser mais la tâche s’avère plus complexe qu’il ne le pense et elle ne se voit pas lui avouer le pourquoi de sa culpabilité. Elle aurait aimé, tout lui avouer, lui dire ce qui la perturbait, mais elle se rappelait aussi qu’il lui avait avoué jouer sur plusieurs tableaux, alors elle doutait du bien fondé de ses révélations… sans compter que lui avouer qu’elle était au courant, c’était avouer la culpabilité des Scorpions dans l’empoisonnement et ça, c’était signer sa chute… Jamais Johrane ne pourrait laisser passer ce genre de trahison. De quoi la faire douter et l’engluer toujours plus dans cette situation merdique !

Dans un soupire, la brune avait cherché de nouveau à se cacher, peut être un peu perturbée par le fait qu’il puisse détecter ce genre de chose chez elle en la connaissant si peu. Il lui montrait un intérêt dont elle ne l’aurait pas cru capable et ça avait eu le don de la troubler plus qu’elle ne l’aurait cru. « Et bien… pour dire vrai, j’ai peut être passé une petite partie de mon temps ici à essayer de glaner des informations sur votre état de santé… » Elle porte la glace à ses lèvres, le froid la fait frissonner et elle reprend sans vraiment le regarder. « Vous inquiétez pas, j’ai rien dit sur qui j’étais. J’ai pas entaché votre réputation de célibataire. Et j’ai évité les journalistes qui rodent aussi, enfin je crois ! J’connais plutôt bien les lieux, alors ça me donne un avantage certain ! » Elle lui sourit, entamant un peu plus le pot de glace. « J’étais inquiète, y avait beaucoup de sang… Et des gens sont morts ce soir-là… Est-ce que… la police vous a interrogé ? »